Les causes de décès des patients atteints de SLA. sont multiples. Je les classerai en deux catégories : directes et indirectes.
La maladie paralyse nos muscles volontaires. Parmi eux ils en existe des vitaux dont les muscles respiratoires et les muscles de la déglutition. C’est pourquoi il existe une seule façon de mourir directement de SLA : l’arrêt respiratoire mécanique, ou détresse respiratoire restrictive. Je passe volontairement sur les causes de mortalité par dénutrition qui sont rarissimes.
Un respirateur, bien réglé par trachéotomie, remplace parfaitement les fonctions mécaniques de nos muscles respiratoires. Donc en théorie nous voici hors de danger. Cependant, vous serez nombreux à me faire savoir que malgré la trachéotomie, vous avez perdu un proche. Bien évidemment, la trachéotomie ne rend pas immortel et un respirateur ne protège pas des problèmes physiologiques pulmonaires.
Interviennent alors de nombreuses causes indirectes, qui peuvent également se manifester pré-trachéotomie. Je serai incapable de toutes les citer, je me contenterai donc de celles qui me sont arrivées. Embolie pulmonaire, septicémie, chutes, péritonite, dénutrition avancée, sans parler de l’arrêt respiratoire. Toutes ces réjouissances sont potentiellement mortelles. En revanche, contrairement à ce que j’ai pu souvent lire, il n’est pas possible d’être en détresse respiratoire lorsque le patient est sous respirateur (correctement réglé) et trachéotomie, si ses poumons sont totalement sains. Les problèmes respiratoires apparaîtront si les poumons sont touchés, directement ou indirectement, (infection, embolie, spasme, œdème…). Je tiens cette information du service de réanimation de l’hôpital qui m’a suivi et ils ont été formels. Je pense que les réanimateurs sont parmi les personnels médicaux les mieux placés pour se prononcer sur les troubles pulmonaires post-trachéotomie.
La SLA ne s’attaque ni aux bronches ni aux poumons, que ce soit bien clair. Cependant, il existe plusieurs cas de figure récurrents d’atteintes pulmonaires sérieuses post-trachéotomie dans la SLA. J’en retiendrai principalement deux :
– L’infection pulmonaire due à des germes, généralement des BMR (pour bactéries multi-résistantes). La plupart du temps, ces germes se sont introduits par la trachéotomie soit lors de changements de canule (d’où la nécessité d’effectuer ce changement à domicile, endroit beaucoup plus sûr sur le plan septique que l’hôpital), soit lors d’aspirations trachéales (d’où la nécessité d’un système clos), enfin soit lors de manipulations douteuses sur le plan septique. C’est pourquoi une extrême prudence en matière d’hygiène doit être introduite dans les gestes du quotidien, concernant la trachéotomie. Si ces germes parviennent aux bronches, il y a danger.
– Le deuxième risque est la fausse route. En plus de constituer un risque d’étouffement, il représente un risque infectieux important. Si l’aliment ou la salive se retrouve dans les voies respiratoires, ils pourraient constituer un foyer infectieux considérable qui sera difficile à expulser du fait de la faiblesse respiratoire. Dans ce cas-là, les germes des infections pulmonaires sont ceux de la bouche qui est une cavité septique, d’où l’importance de l’hygiène bucco-dentaire. Ceci peut arriver pré-trachéotomie, et se révéler problématique post-trachéotomie. D’où l’étonnement de certains sujets se croyant protégés des fausses routes par la trachéotomie (ce qui est le cas) qui se retrouvent avec une infection pulmonaire liée à une fausse route arrivée avant la pose de la trachéotomie. D’où l’intérêt de ne pas trop traîner pour poser une trachéotomie lorsque les fausses routes s’installent.
Il m’est également arrivé de lire que la SLA s’attaquait directement au cœur puisque c’est un muscle. Ce qui est totalement faux, n’importe quel neurologue vous le confirmera. En revanche, il peut arriver que le cœur » lâche » pour des raisons indirectement liées à la SLA. Je ne citerai qu’un exemple : si on se trouve en difficulté respiratoire durant plusieurs jours, à force de « tirer » sur les poumons, une fatigue importante peut apparaître. Et tout comme lors de n’importe quel effort démesuré chez un sujet lambda, le risque d’accident cardiaque décuple, particulièrement s’il y a, en plus, un terrain favorable.
J’ai aussi lu qu’on avait refusé la trachéotomie à quelqu’un parce que « c’était trop tard, la SLA était trop avancée ». Quand je suis arrivé en réanimation, même les réanimateurs ne croyaient pas en ma survie. Pourtant après m’avoir posé la trachéotomie et avoir fait connaissance avec nous, certains sont devenus des amis et tout le service a compris et accepté notre choix. Ils nous ont accompagnés et à la fin une partie du service avait changé sa façon de voir les choses (il faut dire que j’y suis resté deux mois). Ils ont même modifié administrativement le service pour être davantage à l’écoute des patients et des familles, c’était incroyable. Ils agissaient eux aussi par manque d’information, pensant que si j’avais Charcot, j’étais fichu.
Il n’est jamais trop tard, le proverbe « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » est en vigueur.
Le manque d’informations est ahurissant. À tous les étages.
Les fausses informations circulent, et c’est encore plus grave.
Ce sont en partie les raisons pour lesquelles, je pense, que nous sommes seulement 3% de malades qui choisissons la trachéotomie en France contre 46 % au Japon. Les japonais ont certainement un rapport différent à la maladie et à la mort mais je ne pense pas que cela justifie entièrement un tel delta.
Que vous choisissiez la trachéotomie ou non m’importe peu, c’est votre choix. En revanche, ce qui compte énormément pour moi, c’est que vous fassiez ce choix, probablement le plus important de votre vie, en pleine connaissance de tous les tenants et les aboutissants.
Mon rêve, c’est de passer de « mon dieu, il a la maladie de Charcot, il est foutu », à « mon dieu, il a la maladie de Charcot, c’est très dur mais c’est possible.